Par Jean-Louis Biget, professeur émérite à l'ENS-LSH. Juillet 2011
Cahiers 12 à 20. Une identité renouvelée : la "Collection d’histoire religieuse du Languedoc"
Les colloques ont, relativement tôt, élargi leur territoire d’application, même si les Cahiers, à partir du douzième, ont été pourvus du sous-titre « Collection d’histoire religieuse du Languedoc ». Ce sous-titre appelle une autre remarque. Il souligne que les volumes composent une collection d’histoire religieuse. Cela souligne la recherche d’une cohérence d’ensemble et cela signifie que leur perspective est bien différente de celle de l’Histoire de l’Église, autrefois dirigée par Augustin Fliche et Victor Martin. Dès son début, en 1965-1966, la collection se situe, dans la ligne de Vatican II et d’une historiographie catholique déjà élargie, celle du doyen Le Bras, celle illustrée à l’intérieur de l’ordre des Prêcheurs, par les PP. Chenu, Congar et Vicaire, celle à venir illustrée par Jean Delumeau et André Vauchez, celle aussi pratiquée par Étienne Delaruelle. Le travail d’historien de ce dernier a consisté à saisir l’Église comme peuple et non plus seulement comme clergé et/ou comme institution. À la sécheresse et à l’arbitraire des exposés dogmatiques et institutionnels, il a substitué un effort de compréhension en profondeur de la vie religieuse et des mouvements spirituels animant le peuple chrétien. Sans doute la notion de « religion populaire » qu’il a mise en avant a-t-elle fait l’objet de critiques, il n’en reste pas moins qu’il a contribué de manière déterminante à une conversion fondamentale de l’histoire de l’Église au Moyen Âge. Les Cahiers de Fanjeaux ont suivi les principes qu’il avait formulés, en les enrichissant. Dans l’introduction du Cahier 28, paru en 1993, le P. Vicaire a souligné que les recherches « qui portent sur l’histoire des institutions présentent une faiblesse. Parce qu’elles atteignent d’abord les données de droit ou de doctrine, qui constituent le cadre général de la vie de ces institutions, elles ne révèlent qu’imparfaitement les réalités intérieures et personnelles qui sont l’essence des actes religieux ». Les Cahiers ont ainsi toujours tenté d’atteindre les réalités intérieures des phénomènes religieux propres à la France méridionale au Moyen Âge.
Au demeurant, ils n’ont pas borné leurs enquêtes au seul christianisme. Le volume 11, La religion populaire en Languedoc du XIIIe siècle à la moitié du XIVe siècle, n’a pas manqué d’aborder les croyances et les usages ayant leur source dans le paganisme et le fonds folklorique. Le douzième s’est intéressé au judaïsme languedocien. Le dix-huitième aux relations du Midi avec l’Islam. La proximité de la France méridionale avec l’Islam ibérique ou insulaire (les Baléares), ou bien avec la Berbérie ont engendré une situation particulière. Il en résulte des polémiques : Alain de Lille à Montpellier écrit contre les mahométans dans sa Summa quadripartita, mais aussi des entreprises de traduction et des missions de conversion. Dans ce champ intervient Raymond Lulle, auquel le vingt-deuxième des Cahiers a été consacré. Ce sont enfin des méridionaux qui fondent les ordres voués au rachat des captifs chrétiens ; saint Pierre Nolasque, né en Lauragais, établit l’ordre de la Merci, tandis que le Provençal Jean de Matha crée l’ordre des Trinitaires.
À cet égard, dans la seconde décennie de leur existence, colloques et Cahiers, fidèles à leurs principes initiaux, n’ont pas manqué de se tourner vers des institutions expressives de pratiques de piété, et précisément celles de l’assistance et de la charité (Cahier 13, 1978) et du pèlerinage (Cahier 15, 1980).
La France de langue d’oc constitue une aire culturelle spécifique, définie par une langue particulière. Pour autant, la société occitane ne manifeste pas de spécificités marquées dans ses structures. Les Cahiers de Fanjeaux qui s’efforcent de saisir le phénomène religieux dans toute son ampleur et sa complexité soulignent les parentés et les différences entre les pays méridionaux et les autres. Du point de vue des institutions et des dogmes, régis par un droit unique, les écarts à la norme sont forcément contenus dans des limites étroites. Cependant, au cours du Haut Moyen Âge, entre le Ve et le Xe siècle, la chrétienté latine se compose d’églises avant tout régionales. Le fait se manifeste notamment dans le culte des saints, ainsi que l’a mis en évidence le trente-septième Cahier (2002) . La sainteté est l’expression même du christianisme. Elle manifeste l’origine divine de l’Église militante, sa finalité à se résorber dans l’Église triomphante, et leur union dans la communion des saints. Très tôt, les saints font l’objet d’un culte qui devient rapidement populaire. Il cristallise autour de leurs tombeaux (loca sanctorum) où peut être captée l’énergie bénéfique de leur virtus, puisque leurs reliques participent de la perfection et de l’éternité dans le monde du transitoire, du mal et de la perversion. À travers tout le Moyen Âge, le peuple chrétien vit en symbiose avec la société des saints dans un commerce permanent de dévotion aux formes multiples. Bien des recherches ont été ouvertes depuis quelques lustres sur ce champ immense, mais il reste loin d’être complètement défriché, particulièrement dans le Midi de la France, domaine particulier, riche d’informations. Ainsi, la Chanson de sainte Foy marque-t-elle, dans le troisième quart du XIe siècle, les débuts de la littérature d’oc, tandis que les Vies d’Elzéar de Sabran et de Dauphine de Puimichel ont été adaptées en occitan à la fin du XIVe siècle par un franciscain de la région d’Albi . Rappelons aussi le réseau de pèlerinages méridionaux mis en évidence par les pénitences infligées par les inquisiteurs, la tentative de promouvoir à la sainteté l’un de ceux-ci, Bernard de Caux, et, à l’opposé, le mouvement protestataire tendant à la sanctification de Pierre Déjean-Olieu, enfin, l’explosion du culte de saint Roch. L’ensemble de l’hagiographie méridionale méritait d’être réexaminée, eu égard aux études importantes publiées dans les dernières décennies. Sans doute les saints universels, et notamment les apôtres, occupent-ils le premier rang dans la dévotion des méridionaux, mais la sainteté possède une expression locale, comme le montrent les adjonctions dans les versions méridionales des martyrologes d’Adon et d’Usuard. Toutefois, les saints locaux n’ont dans l’espace et le temps qu’un rayonnement limité, malgré quelques cas exceptionnels, comme celui de saint Gilles. Par ailleurs, on sait que les Carolingiens, dans leur période la plus faste, s’efforcent de surimposer aux églises régionales, un réseau de monastères rattachés à l’empereur. Dans un même mouvement d’unification, quand ils annexent des territoires, ils font entrer dans leur généalogie les saints propres à ces derniers . C’est le cas d’une sainte de l’Albigeois, ayant vécu au VIIe siècle, Sigolène, probablement issue d’un lignage ducal de l’Auvergne, à laquelle ils font en outre édifier un sanctuaire à Metz. D’où la vogue ultérieure de ce nom dans la France de l’est.
Cependant, jusqu’au XIe siècle, les noms de baptême sont peu christianisés. Ils renvoient aux puissants laïcs de chaque région. En Languedoc prévalent alors ceux de Guilhem, Raimon et Bernat. En parallèle, une originalité régionale se marque à cette époque dans la liturgie de la province ecclésiastique de Narbonne, comme l’a mis en exergue le Cahier 17, Liturgie et musique (IXe-XIVe siècle), publié en 1982. Cette liturgie, est dite romano-wisigothique ou catalano-languedocienne, car la province de Narbonne s’étend alors jusqu’à l’Èbre. Certains de ses usages, repris en Aquitaine et en Provence, se maintiennent jusqu’à l’adoption des livres tridentins.
Ce Cahier a fait apparaître, qu’au moins pour certains de ses aspects, la vie religieuse du Languedoc au XIIIe siècle ne pouvait se comprendre sans l’examen de ses antécédents et des périodes antérieures. En outre bien des cadres institutionnels définis dans l’amont chronologique se prolongent après 1200.
Durant la période féodale, la pulvérisation des dominations politiques favorise l’unification et la centralisation de l’Église, seule instance de régulation de la société, en raison de sa finalité spirituelle et eschatologique. Les Églises se fondent dans l’Église et le terme de christianitas devient d’un emploi courant. Les congrégations monastiques régionales, comme celle de Lagrasse, cèdent le pas à des ordres dont le réseau s’étend à l’ensemble de l’Occident. Les comtes de Toulouse soutiennent Moissac et Cluny ; hors influence toulousaine, la plupart des monastères du Midi se rattache à Saint-Victor de Marseille. Un Cahier, le dix-neuvième, édité en 1984, a pris en considération le devenir des moines noirs aux XIIIe et XIVe siècles, où leurs acquis demeurent, mais où leur place relative diminue.
En parallèle, dès les années 1140, un nouvel ordre religieux incarne l’Église nouvelle, dont il constitue le fer de lance ; il s’agit de l’ordre de Cîteaux. Les Cisterciens de Languedoc ont fait l’objet du Cahier 21, paru en 1986. L’Influence de l’ordre cistercien décline au XIIIe siècle, même si le méridional Jacques Fournier l’illustre un peu plus tard, en devenant le pape Benoît XII, qui entreprend la construction du Palais d’Avignon et la réfection du collège des Bernardins de Paris. Au XIIe siècle, l’ordre de Cîteaux fédère dans le Midi les monastères et les congrégations d’une spiritualité proche de la sienne qui ont éclos de manières diverses, ainsi Obazine, Cadouin ou Silvanès. Sa montée en puissance s’avère concomitante, et probablement corrélative de celle de la dissidence religieuse ; en effet, on a désormais pris conscience que l’image de l’hérésie est largement façonnée par ses adversaires.
La dissidence des « bons hommes » - appellation meilleure que celle de « cathares », anachronique et lourde de présupposés de toute sorte - naît en Occitanie de facteurs internes. Spécifique du Midi, elle n’est pas particulière à lui, puisque des mouvements parallèles se font jour en Rhénanie, ainsi qu’en Italie du nord et du centre. Elle exprime, d’une certaine manière, la disjonction entre l’institution ecclésiastique et la demande spirituelle des élites. Son apparition, son développement, puis sa résorption se trouvent donc en conjonction étroite avec l’évolution de l’Église. De façon légitime, les colloques de Fanjeaux se sont donc intéressés de manière récurrente au « phénomène cathare ». Et d’abord à l’Historiographie du catharisme (Cahier 14, 1979). Ce volume démontre comment, à travers différentes strates temporelles, a été construite une image du catharisme sans rapport avec la réalité et qui confine au mythe. Quelques années plus tard (Cahier 20, 1985), l’Effacement du catharisme a généré un ensemble d’analyses qui ont mis en évidence l’élargissement du concept d’hérésie (au non-paiement des dîmes, par exemple) et la primauté des facteurs socio-politiques et religieux sur la répression inquisitoriale dans la disparition de la dissidence. Attachée à retrouver les hommes derrière les institutions, l’équipe de Fanjeaux s’est également intéressée à un personnage majeur, Bernard Gui. Prêcheur, inquisiteur, évêque et historien, il tient un rôle cardinal dans le Midi entre 1290 et 1331 ; il s’avère bien différent de l’image violente et dévalorisante qu’en donne Umberto Eco dans Le nom de la rose.
Dans la seconde décennie des rencontres de Fanjeaux s’est défini un noyau dur de collaborateurs, principalement composé des membres du comité d’organisation des colloques et de publication des Cahiers. Autour du P. Vicaire, il rassemblait Paul Amargier, Henri Gilles, Bernard Guillemain, Yves Dossat, Philippe Wolff, Jean-Louis Biget et quelques « habitués », comme Raoul Manselli. Participèrent à l’une ou l’autre des sessions, des membres de l’ordre des Prêcheurs, les PP. Gy, Bedouelle, Montagnes et Šanjek, la plupart des universitaires français pratiquant l’histoire religieuse du Moyen Âge, ainsi Michel Mollat, Bernhard Blumenkranz, Michel Zink, André Vernet, Jean-Claude Schmitt, Edmond-René Labande, Jean Richard, dom Becquet, André Vauchez, Mgr Martimort, Marie-Thérèse d’Alverny, Jean Dufour, Gérard Jugnot, Jacques Chiffoleau, Arnaud Ramière de Fortanier, Michel Huglo, Charles Touati, Gilbert Dahan, le contingent des Provençaux déjà nommés, puis Monique Zerner, Jean-Marie Carbasse, Jacqueline Caille, Monique Bourin, Daniel Le Blévec, Christian Guilleré, Pierre-André Sigal et Philippe Sénac. De même, venus de loin, Giulio Cipollone, Charles Verlinden, Richard Emery, Gavin Langmuir, Aryeh Grabois, Alan Friedlander et Joseph Shatzmiller. Et encore Anne Brenon, Jean Duvernoy et Michel Roquebert.
Par Jean-Louis Biget, professeur émérite à l'ENS-LSH. Juillet 2011
Cahiers 21 à 30. Un horizon élargi : de nouveaux objets d'étude
La troisième décennie des colloques s’est ouverte par des sessions consacrées aux Cisterciens et à Raimond Lulle, déjà évoquées ; puis à la place des femmes dans la vie religieuse du Languedoc, qu’il s’agisse de laïques ou de moniales, de Clarisses ou de recluses (Cahier 23, 1988). Les rencontres suivantes ont concerné des communautés essentielles dans le monde ecclésiastique : celle des chanoines, importants par leur nombre et leur diversité, ainsi que par les offices qu’ils accomplissent et leur rayonnement spirituel et intellectuel, puis celle de la paroisse, structure fondamentale de rassemblement des fidèles dans l’Église (Cahiers 24 et 25). À ce moment (1991), il fut jugé utile et nécessaire par le Comité de publier les tables et des index généraux des vingt-cinq premiers Cahiers ; le volume (Cahier 25 bis) présente non seulement le bilan d’un quart de siècle de recherche sur l’histoire religieuse de la France méridionale au Moyen Âge, il permet de retrouver aisément les références concernant tel personnage, tel lieu, tel thème ou telle institution. Durant les vingt-cinq ans allant de 1965 à 1990, cent quatre vingt dix-sept historiens ont contribué à l’édification de la collection monumentale formée par les Cahiers de Fanjeaux, un corpus de 9775 pages et de 408 articles.
Après un long XIIIe siècle (1209-1315), s’ouvre une nouvelle période de l’histoire religieuse du Midi, avec l’installation de la papauté à Avignon. La capitale de la chrétienté se fixe désormais aux confins de la Provence et du Languedoc ; en outre, les papes, Bertrand de Got (1305-1314), Jacques Duèse (1316-1334), Jacques Fournier (1334-1342), Pierre Roger (1342-1352), Étienne Aubert (1352-1362), Guillaume Grimoard (1362-1370) et le second Pierre Roger (1370-1378) sont tous des Occitans, entretenant un rapport privilégié avec la France méridionale, où vit leur famille, où ils ont fait leurs études, au moins pour partie, et où ils ont exercé des responsabilités ; par exemple, Jacques Duèse, originaire de Cahors, pape sous le nom de Jean XXII, avant de devenir chancelier des Angevins de Provence et de Sicile, évêque de Fréjus puis d’Avignon, a été chanoine d’Albi et, vers 1295, official de Carcassonne. Son rôle personnel a été capital dans la définition des structures de l’Église avignonnaise. Aussi bien, le Cahier 45 (à paraître fin 2011) contribuera-t-il au renouvellement actuel des études sur ce personnage et un pontificat novateur et sur un personnage paradoxal, « vieillard sans cesse inventif et néanmoins habité par une tradition austère et vivifiante » . Si l’Église est universelle, la fixation des papes à Avignon ne laisse pas d’exercer un impact sur l’Église du Midi. Fait symptomatique : les deux premiers volumes des Collectorie, témoignage de la fiscalité avignonnaise, concernent le diocèse d’Albi. Le Midi possède un poids relatif important dans l’Église à cette époque, puisque sur cent vingt-neuf prélats pourvus de la dignité cardinalice entre 1305 et 1378, quatre-vingt dix-neuf, soit plus des trois-quarts, sont issus de la France méridionale. Jean XXII modifie très profondément la géographie diocésaine et la répartition des collégiales. Et l’affaire des Spirituels ne revêtirait sans doute pas la même intensité, ni la même gravité, si le pape ne résidait pas à Avignon. Aussi bien, le Cahier 26 (1991) a-t-il évoqué de manière détaillée les rapports entre la papauté d’Avignon et le Languedoc.
Le XIVe siècle correspond, notamment, à la gestation de l’État monarchique ; elle s’accompagne d’une crise polymorphe : guerres et pestes. Les secousses sociologiques qui en résultent s’accompagnent d’ébranlements spirituels. Dans le midi se développe un prophétisme eschatologique, dont l’une des figures marquantes est Jean de Roquetaillade. Ce mouvement se prolonge évidemment durant le Grand Schisme, avec Constance de Rabastens et Marie Robine. En ce temps, les papes ont leurs astrologues. Le Cahier 27 a tenté de rendre compte des phénomènes « à la marge », à travers lesquels les contemporains cherchaient à comprendre le monde et leur temps. Pour atteindre la sensibilité religieuse des chrétiens de l’époque un colloque s’est livré à l’analyse du décor des églises. En effet, ce dernier porte encore la charge sacrée qui gouvernait les cérémonies publiques et les prières individuelles. Le Cahier 28 montre la place de l’ornementation dans les églises durant la période gothique, ses rapports avec l’autel, sa signification, sa fonction dans la pastorale. Quant à lui, le droit canonique n’est pas sans rapport avec la vie. Derrière les codes et les règles se profilent les hommes ; le Cahier 29 porte pour titre L’Église et le droit dans le Midi (XIIIe-XIVe siècle) ; pour autant, il ne traite pas d’une discipline froide et désincarnée, mais témoigne d’une chrétienté vivante. Il s’organise selon trois directions : la place tenue par les canonistes du Midi dans l’élaboration du droit de l’Église, la genèse et l’originalité des codes provinciaux et diocésains ; le fonctionnement des instances judiciaires chargées de contrôler le passage du droit ecclésiastique dans les faits.
Le vingt-neuvième colloque aura été le dernier à connaître la présence rayonnante du Père Vicaire, qui rendait pleins et chaleureux les jours de Fanjeaux. Il avait poursuivi avec enthousiasme et persévérance l’entreprise qu’il avait lancée avec le chanoine Delaruelle, composant avec les colloques la somme d’histoire religieuse que constituent les Cahiers de Fanjeaux. Sa disparition brutale, le 2 octobre 1993, n’a pas interrompu son œuvre, car il avait su rassembler autour de lui une équipe capable de relever son héritage pour honorer sa mémoire. Le Comité du Centre historique de Fanjeaux, sous l’autorité bienveillante d’Henri Gilles, son président depuis 1972, à côté des membres anciens, Philippe Wolff, Bernard Guillemain, Jean-Louis Biget et Monique La Mache, s’il avait perdu le P. Amargier - démissionnaire - et Yves Dossat (décédé en 1992), avait intégré de nouveaux membres, Jean Rocacher en 1983, Daniel Le Blévec - immédiatement chargé des tâches d’organisation - en 1987, Jacques Paul en 1988, puis Michelle Fournié et le P. Bernard Montagnes en 1992.
La cathédrale représente un univers foisonnant. Elle marque le paysage urbain et la topographie citadine. Elle engendre souvent un quartier complexe, où voisinent le palais épiscopal et l’enclos canonial. Dans la cathédrale se manifeste, à travers la liturgie, les reliques, le décor, l’immanence du sacré. Elle exprime de manière visible, la communauté diocésaine, regroupée autour de l’évêque, chargé de l’autorité et de la mission apostolique. Elle cristallise tout le Moyen Âge « énorme et délicat ». Miroir d’une foi dynamique et d’un prodigieux essor de l’économie et de la technique, elle fait l’objet d’un droit spécifique, elle abrite une population cléricale diversifiée, qui célèbre une liturgie particulière, et elle entretient avec la société extérieure des relations multiples et variables. C’est cette richesse que le Cahier 30 met en lumière pour les pays du Midi.
Durant la troisième décennie de Cahiers, ceux-ci ont naturellement bénéficié de la collaboration d’intervenants antérieurs et des contributions des membres du Comité, mais ils ont également tiré profit des compétences d’universitaires étrangers et de nouveaux chercheurs français. Au rang des premiers, Edith Pasztor, Antonio Garcia Garcia, J.N. Hillgarth, Martin Bertram, Gérard Fransen, Giulia Barone, Christian Freigang, Francesco Santi, Franz Felten, Ruedi Imbach, Ramon Sugranyes de Franch. Parmi les seconds, dom Jean Leclercq, Jean Longère, Henri Platelle, Henri Vidal, Marie-Madeleine Gauthier, Paulette L’Hermitte-Leclercq, Elisabeth Magnou-Nortier, Geneviève Hasenohr, Joseph Avril, Anne-Marie Hayez, Pierre-Roger Gaussin, et puis Jacques Krynen, Jean-Louis Gazzaniga, Yves Esquieu, Yvette Carbonell-Lamothe, Michèle et Henri Pradalier, Martin Aurell, Dominique Urvoy, Jacques Verger, Nicole et Jean-Loup Lemaitre, Françoise Robin, Olivier Poisson, Bernadette Barrière, Mireille Mousnier, Hélène Millet, Dominique Rigaux, Matthew Tobin, Quitterie Cazes, Sylvie Barnay, Colette Beaune et Jean-Patrice Boudet.
Par Jean-Louis Biget, professeur émérite à l'ENS-LSH. Juillet 2011
Cahiers 31 à 40. Nouvelle mue : Publication annuelle d’histoire religieuse du Midi de la France au Moyen Âge
Le christianisme est une religion du livre et la vie religieuse des institutions chrétiennes a toujours reposé sur des livres. Des fonds anciens subsistent dans le Midi. Celui du chapitre cathédral d’Albi s’avère le plus riche dans la durée (VIIe-XVe siècle). Grâce aux comptes de dépouilles et aux testaments, on connaît aussi quelques bibliothèques personnelles, celles d’ecclésiastiques divers et celles de laïcs. Les livres se multiplient et se diversifient à partir du XIIIe siècle, ce qui impose des cadres de classement bien déterminés, par matières, par auteurs, par formats et par lieux de conservation, ainsi à Saint-Pons, à Saint-Victor de Marseille au début du XVe siècle, ainsi qu’à Saint-Maximin un siècle plus tard. La hiérarchie des bibliothèques personnelles des clercs reproduit celle de l’Église elle-même. La plus grande du Midi, plus institutionnelle qu’individuelle au reste, est celle des papes d’Avignon ; les laïcs possèdent des livres de dévotion ; les cartulaires des communautés méridionales présentent des extraits des Évangiles qui en font des livres « juratoires ». Ces quelques notations n’épuisent pas l’ampleur des thèmes abordés dans le Cahier 31, Livres et bibliothèques (XIIIe-XVe siècle). Il offre un premier bilan dans un domaine jusque-là mal connu pour le Midi, celui du monde complexe du livre médiéval et il porte témoignage sur l’évolution de la culture et de la spiritualité des chrétiens méridionaux.
La prédication se situe au cœur des problèmes religieux de la France méridionale aux XIIe et XIIIe siècles. Surgissent d’abord des prédicateurs spontanés, offrant à tous le Pain de la Parole divine. Cette prédication nouvelle s’organise dans la dissidence, notamment celle des bons hommes et celle des vaudois. L’Église réagit par l’intermédiaire des chanoines réguliers, mais bientôt l’affaire albigeoise souligne le danger de laisser à la dissidence la « parole horizontale », bien plus efficace que la prédication traditionnelle fondée, quant à elle, sur l’accumulation des autorités et un apparat de gloire. Saint Dominique et son évêque, Diègue d’Osma, instaurent alors au sein de l’institution ecclésiastique de porter témoignage sur la grandeur de Dieu par l’humilité de ses serviteurs. Le IVe concile du Latran, puis les statuts synodaux enjoignent que les desservants des paroisses mettent en œuvre une prédication élémentaire. Toutefois, les lacunes du clergé paroissial incitent le même concile à faire assister ce dernier par des prédicateurs spécialisés. Dans cette perspective, Honorius III confirme l’ordre des Prêcheurs en janvier 1217. Le Midi languedocien a donc joué un grand rôle dans le tournant pastoral de l’Église. Après 1230, il entre dans l’âge classique de la nouvelle prédication ; celle-ci cesse d’être polémique pour devenir totalement positive ; elle a pour but de conformer la pratique des fidèles à l’Évangile. La prédication dans les régions méridionales au Moyen Âge, cependant, n’a pas donné lieu aux examens approfondis qu’elle a suscités ailleurs. C’est pourquoi une session de Fanjeaux a tenté de dénouer ce paradoxe. Artes praedicandi, recueils de sermons, modalités de la prédication, horizons de réception, monde des prédicateurs, effets de leur parole ont été analysés. Ces études forment la matière du Cahier 32 (1997).
Au-delà des cadres de la foi et de la doctrine, il existe dans la vie religieuse des données contingentes qui varient en fonction du temps, de la société et des impératifs de la pastorale. Les attitudes face à la mort et les représentations de l’au-delà ont subi le poids du présent où elles se sont élaborées. L’ère de la « mort apprivoisée » se clôt pour une bonne part à la fin du XIIIe siècle. L’évolution du rapport des hommes à la mort et à l’au-delà permet aux clercs, longtemps marginalisés en ce domaine, d’investir le rituel des derniers instants et des funérailles ; il leur permet aussi de construire une pédagogie du salut qui informe toute la vie des chrétiens, dans la perspective des fins dernières. La figuration répétée des enfers dans les églises de campagne en atteste. Dans le Midi, le culte des âmes du Purgatoire, qui restaure à l’intention des défunts une prière vraiment ecclésiale, se développe plus tôt qu’ailleurs. La France méridionale, entre Rodez, Toulouse et la Catalogne, apparaît comme l’aire territoriale où le Purgatoire a connu son plus grand succès aux derniers siècles du Moyen Âge , alors que la France septentrionale lui est demeurée longtemps indifférente . Benoît XII s’efforce de fixer la doctrine et de lutter contre les prolongements de la religion des bons hommes (qui soutient que tout est joué au moment du trépas et que l’Église n’a pas le pouvoir d’intercéder pour les morts) et contre certaines croyances populaires (bien illustrées par le cas de l’armier de Pamiers, Arnaud Gélis). La rencontre entre les initiatives de l’institution et la demande des fidèles favorise sans doute l’essor relativement précoce du culte des âmes du Purgatoire dans le Midi. Dans le Cahier 33 (1998), le problème des lieux et des modes de sépulture fait l’objet d’une étude archéologique attentive. L’analyse des Vies de saints et des procès de canonisation montre comment ils proposent un modèle de la « bonne mort », que les statuts synodaux cherchent à faire passer dans la pratique générale. Dans l’ensemble, à partir du XIIIe siècle, la commémoration individuelle des défunts l’emporte sur leur mémoire collective, tandis que le rôle médiateur de l’Église entre ici-bas et l’au-delà s’affirme partout. L’élection de sépulture génère des conflits entre les communautés de Mendiants, très sollicitées, et le clergé paroissial ; cependant, les séculiers l’emportent de beaucoup pour les demandes de messes et les sépultures. L’avenir dans l’Église appartient à la paroisse. Les princes illustrent leur puissance et la confortent par le théâtre de leurs tombeaux, ainsi pour la Maison d’Anjou. À leur niveau, les consuls des villes méridionales prennent en charge le salut de leurs concitoyens, en gérant le bassin et les confréries du Purgatoire, dont ils ont favorisé la mise en place. Cette imbrication du politique et du religieux atteste le plein succès du culte du Purgatoire. Le Cahier 33 met ainsi en parfaite évidence la dynamique conquérante, à travers le Moyen Âge, de l’Église et de la christianisation, dans les territoires essentiels du sentiment religieux et de la foi que sont la mort et l’au-delà.
Au fil du temps, les intitulés des colloques et des Cahiers ont épisodiquement fait référence aux Pays d’oc ou bien au Midi . La dilatation des champs géographique et chronologique des rencontres de Fanjeaux a été entérinée lors de la parution du trente-troisième Cahier, publié en 1998. Il était consacré à La mort et l’au-delà en France méridionale (XIIe-XVe siècle) et, simultanément, le sous-titre conféré à la collection indiquait que désormais celle-ci portait sur tout le Moyen Âge. La France méridionale apparaît ensuite dans les titres des Cahiers 36, 37 et 38 ; le Midi dans ceux des Cahiers 39, 41, 42, et 43. Le sous-titre devenu « Collection d’histoire religieuse du Languedoc au Moyen Âge » a muté logiquement en 2008-2009, devenant « Collection d’histoire religieuse du Midi de la France au Moyen Âge » ; pour des raisons administratives, il a pris la forme, en 2009, de « Publication annuelle d’histoire religieuse du Midi de la France au Moyen Âge ». L’espace auquel s’appliquent les Cahiers de Fanjeaux correspond désormais à la France de langue d’oc au Moyen Âge. Sans entrer dans des controverses d’érudition ou d’ordre politique sur l’aire de l’Occitanie, on peut définir cet espace comme celui qui s’étend au sud d’une ligne courant de Saintes à Limoges et Clermont-Ferrand, puis qui s’infléchit ensuite vers Valence et Briançon.
Le mot « évangélisme » n’apparaît qu’au début du XIXe siècle, mais l’Évangile a toujours été la référence essentielle des chrétiens. Il a donc paru nécessaire qu’une session de Fanjeaux fût consacrée, d’une part à la tradition et à la réception des Évangiles, d’autre part du passage de ceux-ci à l’évangélisme, c’est-à-dire à la prédication et à l’adoption d’une vie conforme à l’Évangile. Suivre le Christ c’est se faire apôtre, c’est retrouver la forme de l’Église primitive. Le fait s’inscrit dans les consciences à partir de la Réforme « grégorienne », sans aucun doute la « révolution culturelle » fondamentale du Moyen Âge. À partir d’elle se multiplient divers mouvements, évangéliques en leur principe, mais très variés. Les uns s’agrègent à l’orthodoxie qu’ils renouvellent ; d’autres alimentent l’hétérodoxie. Le Midi est terre d’affrontement de ces familles qui se revendiquent de l’Évangile. Il en naît un ordre apostolique, celui des Prêcheurs. Le Cahier 34 s’attache à définir ce qu’on entend par Évangile aux XIIe et XIIIe siècles et pose la question des formes et des moyens par lesquels il est donné à voir et à entendre ; il souligne comment avant saint François, la sequela Christi ne se confond pas avec l’imitatio Christi ; il montre la contestation qui naît du lien associant la veritas evangelica et la paupertas evangelica ; au cœur du problème de l’évangélisme se trouve ainsi posé celui des dissidences, celle des bons hommes comme celle des vaudois, et de leur interprétation de l’Évangile. En réponse au défi des uns et des autres, saint Dominique conjugue le témoignage de la vie avec celui de la prédication. Dans le respect du magistère, il assume l’Évangile en totalité, adoptant la forme de vie des apôtres pour porter la Parole de Dieu. Il semble bien que les Mendiants, par l’exemplarité de leur vie, par un apostolat de proximité, par une parole d’échange construite et persuasive, ont réussi à ramener dans l’Église les brebis un temps égarées sur les chemins d’un évangélisme hétérodoxe.
L’histoire religieuse entretient par nature des liens étroits avec l’histoire culturelle. Il a semblé intéressant d’examiner la façon dont l’Église méridionale s’inscrit dans les grandes mutations culturelles qui surviennent au cours des trois cents ans allant du succès de la réforme ecclésiastique du XIe siècle à la fin de la papauté d’Avignon. Ce fut le propos du Cahier 35, Église et culture en France méridionale (XIIe-XVe siècle), édité en 2000. Fondé sur l’Écriture, le christianisme implique l’essor d’une culture savante et la formation intellectuelle des ministres du culte. Au XIIe siècle, les écoles monastiques, qui tenaient jusque-là le premier rang, cèdent cette position aux écoles cathédrales, mais on sait peu de choses sur celles du Midi. La région ne paraît pas non plus participer à l’approfondissement de la théologie par l’usage de la logique comme discipline critique. Ce vide culturel favorise à coup sûr l’extension de la dissidence religieuse, d’autant que la laïcisation du savoir élémentaire (lecture, écriture) entraîne la formation de communautés multiples dont chacune interprète la Bible à sa façon.
Au XIIe siècle, les nécessités de la vie sociale entraînent la diversification du savoir et l’essor du droit. Rapidement, « les lois » cohabitent avec « le décret ». On compte bon nombre de médecins et de jurisperiti parmi les clercs provençaux. Les études de droit et de médecine semblent le moyen de faire une belle carrière ecclésiastique dans une société où la spéculation théologique paraît absente. La fin de la Croisade se marque, logiquement, par la création à Toulouse d’une université pour former des prédicateurs efficaces et des controversistes capables de répondre aux dissidents. En parallèle, les Mendiants mettent en place un réseau efficace de studia, modèles des collèges qui se multiplient à partir de la fin du XIIIe siècle. À ce moment, l’université de Toulouse achève de se structurer, comme celle de Montpellier et le retard culturel du Midi sur ce point se trouve résorbé. La région compte alors des juristes d’importance, les doctores tholosani, et un théologien remarquable, le franciscain Pierre Déjean-Olieu, malheureusement emblème et caution d’une dissidence, celle des Spirituels, de sorte qu’une suite de condamnations occulte sa pensée. Le fait marque qu’il ne peut exister une réelle autonomie du savoir par rapport à l’Église. Au demeurant, la plupart des maîtres et des étudiants sont des clercs ; le savoir acquis à l’Université garantit d’ailleurs l’accession aux offices et aux bénéfices. La formation et le niveau de culture de l’élite cléricale est assez bien connu, on manque en revanche d’informations sur celui des desservants de paroisse. On s’interroge sur le degré de culture chrétienne des fidèles et l’éradication de la vieille culture païenne. On a peut-être trop insisté sur le paganisme latent des habitants de Montaillou ; il semblerait aussi juste de s’étonner de la foi chrétienne dont ils font preuve. Le phénomène le plus évident au XIVe siècle dans le Midi réside dans les convergences de la foi et de la pratique religieuse entre les divers milieux. Un état commun de la croyance existe et la culture chrétienne constitue clairement le ciment unitaire de la société. Cette unité a sans doute sa part dans le rejet des autres religions, celle des Musulmans et celle des Juifs, mais l’intolérance qui s’installe au XIVe siècle possède également des racines politiques.
La littérature courtoise exprime bien le continuum culturel chrétien instauré dans la société méridionale. Sauf exceptions, le combat du corps et du cœur aboutit chez les troubadours à la subordination du charnel au spirituel ; de même l’amour porté à l’objet vénéré, l’ascèse qu’il implique, sont proches de l’amour porté à Dieu. Tout cela témoigne de la dominance du modèle chrétien dans les idéaux aristocratiques. Il existe du reste une interpénétration profonde entre le monde des cours seigneuriales et celui de l’Église. Des indicateurs multiples montrent qu’en pays d’oc, l’Église reste un cadre privilégié d’élaboration et de transmission du savoir et joue même un rôle matriciel dans la définition de la culture des laïcs. Cela, parce que le christianisme constitue le facteur déterminant de l’homogénéité de la société médiévale, dans le Midi comme dans tout l’Occident.
Au cours des trente-cinq premiers colloques, l’ordre des Prêcheurs a souvent été évoqué ; un bon témoignage en réside dans le Cahier hors-série, publié en 1998, qui réunit les contributions données par le P. Vicaire en ces réunions dont il fut le maître d’œuvre jusqu’en 1993. Toutefois, aucune session ne lui a été réservée de manière exclusive. Il a donc paru nécessaire de consacrer une rencontre à l’ordre de saint Dominique, auquel Fanjeaux doit sa renommée planétaire. Cela d’autant que l’histoire, on en a désormais conscience, est une construction permanente. Revenir sur celle des Prêcheurs a offert l’occasion de la nuancer et de l’enrichir. En un seul colloque, il n’était pas possible d’évoquer la contribution multiforme de l’ordre des Prêcheurs à la vie religieuse du Midi médiéval : prédication, élaboration doctrinale, études, enseignement, productions écrites, activités missionnaires hors la chrétienté, investissement de la hiérarchie ecclésiastique, service de la Curie et combat contre l’hérésie. Des monographies conventuelles ont permis d’approcher la vie courante des religieux : quêtes, études, prédication, confession, participation aux funérailles, accueil de sépultures. Elles éclairent aussi leurs rapports avec la société locale, mis en lumière par les problèmes et les étapes de leur implantation. L’étude et l’enseignement sont au cœur de la vie des Prêcheurs, pour servir à la prédication. La vie conventuelle s’organise donc en fonction des études, car la mission de l’ordre est de poursuivre par la parole l’œuvre du Christ et l’officium praedicationis lui confère, à côté des évêques, sa raison d’être dans l’Église et son statut d’exception. Le Cahier 36 s’efforce également de retrouver les religieux et les personnes derrière l’ordre ; l’entreprise s’avère ardue, tant les identités particulières se fondent dans la communauté, mais il apparaît bien que l’agrégation à la fraternité de l’ordre, par l’intermédiaire d’une fraternité conventuelle, localement enracinée, constitue pour chacun un passage fondamental.
La mémoire dominicaine constitue un autre centre d’intérêt du Cahier 36. Elle a fait l’objet de remaniements et d’inflexions précoces et se compose de strates superposées. L’inquisition a joué un rôle central dans la construction de l’image que les Prêcheurs se sont longtemps donnée d’eux-mêmes. Au temps de la querelle des réguliers et des séculiers, qui a pesé lourd à bien des égards, l’histoire de l’ordre subit des changements de perspective. L’ordre se présente comme fondé pour lutter contre l’hérésie ; l’apologie du Saint-Office entraîne Bernard Gui à présenter saint Dominique comme le premier des inquisiteurs. Cette image se maintient encore dans la seconde moitié du XVIIe siècle, en relation avec les combats religieux de l’époque. Parallèlement, Prouilhe et Fanjeaux deviennent des lieux-saints, où l’ordre commémore à la fois son fondateur et ses propres origines. La mémoire de l’ordre repose également sur une tradition iconographique, illustrée en particulier par le monument édifié dans l’église conventuelle de Bologne ; plus que saint Dominique, ce dernier exalte l’ordre, montrant qu’il forme un seul corps, identifié à l’idée de mission chrétienne. Comme les précédents, le Cahier 36 a répondu à des questions, ouvert des voies, posé des problèmes. Il a contribué à élargir l’histoire des Prêcheurs dans le site même où saint Dominique a médité la fondation de leur ordre et fait l’expérience d’une annonce de l’Évangile radicalement neuve.
Le pouvoir des clercs, sous ses différentes formes, suscite entre 1150 et 1320 des manifestations d’hostilité diverses, que l’on peut ranger sous le terme d’anticléricalisme, bien que ce dernier, anachronique, soit ignoré du Moyen Âge. Le Cahier 38 tente d’en dresser le répertoire, les modalités et les conséquences. On constate que l’anticléricalisme apparaît avec force au moment où s’achève la réforme « grégorienne », vers 1120/1140. Cette réforme a pris appui sur la référence à la vita apostolica, exaltant le propos de vie évangélique. C’est au nom de cette dernière que s’effectue la critique du pouvoir matériel, mais aussi du pouvoir spirituel des clercs. Une question fondamentale pour l’histoire religieuse du Midi médiéval est de savoir si le rejet du pouvoir clérical se transforme en contestation ecclésiologique et théologique, engendrant ainsi l’hérésie.
Du point de vue de l’anticléricalisme, le XIIIe siècle est aussi complexe que celui qui l’a précédé. D’une part, les ordres mendiants viennent rétablir l’équilibre entre l’Église et la société ; d’autre part, la croisade et l’inquisition font naître par leurs conséquences un nouvel anticléricalisme. Un gibelinisme politique est particulièrement sensible en Provence au temps de Frédéric II. L’inquisition, qui anéantit les franchises des villes, suscite quant à elle des révoltes urbaines dans le Languedoc occidental, lors de son instauration et encore à la fin du XIIIe siècle. Les Mendiants, dès qu’ils multiplient leurs couvents entrent souvent en conflit avec les séculiers et avec les pouvoirs locaux. Et la question demeure ouverte dans l’Église de la pauvreté et du pouvoir, les Spirituels franciscains allant jusqu’à soutenir que le pape ne peut avoir raison contre l’Évangile. On retrouve en l’occurrence le balancement entre Église institutionnalisée et Église spirituelle qui marque les débuts et les prolongements de la réforme grégorienne. Dans cette rupture intérieure s’exprime le souci d’un dépassement de l’institution vers plus de perfection, plus d’Évangile. C’est l’expression d’une oscillation permanente entre la nécessité d’encadrer le peuple chrétien et la pauvreté évangélique, entre l’affirmation du pouvoir institutionnel et le choix du dénuement apostolique.
Le Grand Schisme (1378-1417) a divisé la chrétienté occidentale durant près de quarante années. Cette fracture est généralement considérée dans sa globalité, du point de vue du gouvernement de l’Église ou des actions entreprises pour restaurer l’unité. Il a paru utile de renverser la perspective et d’étudier le Schisme à partir du Midi, afin de d’en définir les formes et les conséquences dans la région. Comment a-t-il été reçu et vécu par les méridionaux, clercs ou laïcs ? A-t-il suscité des inflexions de la pratique religieuse et de la dévotion ? Une autre question est de savoir si le Midi conserve dans l’obédience de Clément VII le poids relatif qu’il possédait dans l’Église au temps de la papauté d’Avignon. Un autre problème est de connaître la répartition exacte des obédiences ; la carte s’avère compliquée, en raison des rivalités des princes, des seigneurs et des clercs ; la situation devient encore plus complexe avec les soustractions et les restitutions d’obédience. Des factions se forment dans les chapitres et les communautés. Les grands ordres aussi se scindent, en général selon l’implantation géographique de leurs maisons.
Ces perturbations de tous ordres portent les docteurs à réfléchir de manière approfondie sur les structures de l’Église institutionnelle et leur rapport à l’Église mystique. En ce domaine, l’Université de Toulouse affirme avec force son indépendance et son originalité, sa fidélité aux principes également. En 1398, ses représentants à Paris se prononcent contre la soustraction d’obédience, puis au cours de celle-ci est élaborée l’Epistola tholosana. Ce manifeste rejette la doctrine conciliaire et aussi l’idée que l’autorité du prince l’emporte sur celle du pape. Mieux : elle accuse l’Université de Paris, le conseil du roi dans sa majorité et Charles VI lui-même de désobéissance envers le pape et l’Église, ce qui les rend schismatiques et hérétiques.
Lassitude devant les situations inextricables gênant la dévolution et la possession des bénéfices et volonté spirituelle de réduire le Schisme, hormis une poignée de partisans de Benoît XIII cantonnés dans le domaine des Armagnac en Rouergue, le Midi après le concile de Pise se rallie au mouvement unioniste. Crise de l’institution ecclésiastique, le Schisme n’entraîne nullement une crise de la foi. D’une part, on ne discerne aucune trace des hérésies anciennes ; d’autre part, les témoignages de la ferveur religieuse sont innombrables. Les prédicateurs, tel Vincent Ferrier, soulèvent les foules ; les pèlerinages conservent leur attrait ; le culte des saints connaît ses plus vives manifestations ; les confréries montrent une vitalité soutenue. Magnifique image, qui traduit à la fois les conceptions des docteurs et la vigueur de la dévotion populaire, la Vierge au manteau est l’icône de l’Église qui rassemble tous les chrétiens dans son unité ; elle exprime aussi la piété des humbles qui la vénèrent comme une mère universelle, intercédant pour tous et pour chacun. Le Cahier 39 regroupe un ensemble de contributions qui éclaire d’un jour neuf et précis l’état religieux de la France méridionale au temps du Schisme.
La quatrième décennie des colloques s’est close par une attention particulière à la population rurale, masse des fidèles, en général oubliée des études. Le Cahier 40, issu de ce colloque s’intitule L’Église au village. Lieux, formes et enjeux des pratiques religieuses. Il élargit considérablement les vues exposées dans les Cahiers antérieurs consacrés à la religion populaire et à la paroisse. Il intègre en effet les acquis de l’archéologie et de l’histoire sociale. Il précise le processus de formation des villages et des bourgs et la place que l’église y trouve. Les contributions du Cahier confrontent le village des archéologues et celui des historiens et reflète les chantiers ouverts : définir l’espace religieux villageois, qui ne se confond pas obligatoirement avec la paroisse ; savoir si la sociabilité de voisinage influence les pratiques religieuses au village ; déterminer si, du point de vue de la religion, le village constitue un espace clos ou bien se trouve ouvert au monde environnant. L’église commande le regroupement de l’habitat dans les celleres et sagreres catalanes et sans doute ailleurs, mais elle peut aussi être étrangère à la constitution des castra et venir se fixer tardivement à l’intérieur de ces derniers. La diversité des cas est de règle, mais tôt ou tard, l’église est un des éléments fondamentaux de la polarisation de l’espace, ce qui souligne la coextensivité de la religion et de la société au Moyen Âge. Le clergé rural remplit l’essentiel de ses obligations, car les registres inquisitoriaux montrent que les fidèles, à la fin du XIIIe siècle, ont intériorisé les données fondamentales du dogme et de la discipline chrétienne. Au village, les conflits religieux s’inscrivent dans la sociabilité de voisinage et ils en participent. La dissidence, par exemple, accentue des clivages antérieurs, et met en jeu des rivalités de réseaux. Le monde villageois n’est en aucun cas un univers clos sur lui-même. Ce qui se vérifie sur le plan économique se manifeste également dans le domaine religieux. Les chapitres urbains opèrent souvent sur les paroisses rurales des prélèvements qui comportent parfois des retours, ainsi l’édification ou la restauration des églises paroissiales. Les bons hommes circulent de village en village et les Mendiants trouvent dans les campagnes des terrains de prédication et de quête. Le Cahier 40 (2006) offre bien des voies pour approcher les phénomènes religieux dans le cadre du village et de l’identité villageoise.
La quatrième décennie des Cahiers a été marquée par un profond renouvellement des collaborateurs. Bien des anciens ont donné des communications, mais il est remarquable que de très nombreux jeunes historiens ont contribué à l’enrichissement des volumes, ce qui témoigne du large essor de la recherche et d’un important vivier de chercheurs. Parmi eux, Sophie Peralba, Nathalie Hurel, Isabelle Rava-Cordier, Jean-Arnault Dérens, Stéphanie Martinaud, Charles Peytavie, Claire Goiran, Agnès Dubreil-Arcin, Cécile Voyer, Yveline Prouvost, Étienne Anheim, Martin Morard, Géraldine Paloc, Laurent Albaret, Myriam Soria, Jean Mercier, Florian Mazel, Damien Carraz, Julien Théry, Sonia Comte, Hugues Labarthe, Fabrice Ryckebusch, Sophie Vallery-Radot, Nicole Pons, Damien Ruiz, Danielle Laurendeau, Marie-Laure Jalabert, Clément Lenoble et Philippe Genequand. À leurs côtés, les colloques ont accueilli des historiens plus chevronnés, venus de l’étranger : Susan Blackman, Josep Moran, Beverly Kienzle, Carolyn Muessig, Mgr Victor Saxer, le P. Simon Tugwell, Olga Weijers, et Michel Hébert, ou bien venus de France : ainsi, Donatella Nebbiai-Dalla Guarda, Marie-Henriette Jullien de Pommerol, Matthieu Desachy, Dominique de Courcelles, Christian de Mérindol, Nelly Pousthomis-Dalle, Nicole Bériou, Marie-Anne Polo de Beaulieu, Huguette Taviani-Carozzi, Louis Stouff, Gérard Nahon, Jean-Claude Hélas, Géraldine Mallet, Michelle Fournié, Valérie Galent-Fasseur, Jean-Yves Tilliette, Michel Lauwers, Guy Lobrichon, Jacques Dalarun, Michel Hayez, Claudie Amado, Geneviève Brunel-Lobrichon, Paul Mironneau, Patrick Gautier-Dalché, Régis Rech, Georges Passerat, Daniel Russo, Anne Reltgen-Tallon, Jean-François Goudesenne, Catherine Vincent, Denise Péricard-Méa, Pierre-Gilles Girault, Anne-Lise Rey-Courtel, Henri Bresc, Aymat Catafau, Florent Hautefeuille et Benoît Brouns. Une telle énumération montre que la plupart des spécialistes de l’histoire religieuse ont investi une part de leur savoir dans les Cahiers de Fanjeaux.
En parallèle, les colloques et les Cahiers ont bénéficié du patronage de l’Université de Montpellier III, à partir de 1997. La composition du Comité s’est modifiée. Le dernier de ses membres fondateurs, Philippe Wolff, a disparu en 2001. La même année a démissionné Jean-Louis Gazzaniga qui en faisait partie depuis 1995. Ce départ a été compensé par la cooptation de Georges Passerat, en 1996, de Jacques Verger, en 2000, de Jacques Krynen en 2001, d’Agnès Dubreil-Arcin et de Fabrice Ryckebusch en 2003, puis de Julien Théry en 2005.
Le christianisme est une religion du livre et la vie religieuse des institutions chrétiennes a toujours reposé sur des livres. Des fonds anciens subsistent dans le Midi. Celui du chapitre cathédral d’Albi s’avère le plus riche dans la durée (VIIe-XVe siècle). Grâce aux comptes de dépouilles et aux testaments, on connaît aussi quelques bibliothèques personnelles, celles d’ecclésiastiques divers et celles de laïcs. Les livres se multiplient et se diversifient à partir du XIIIe siècle, ce qui impose des cadres de classement bien déterminés, par matières, par auteurs, par formats et par lieux de conservation, ainsi à Saint-Pons, à Saint-Victor de Marseille au début du XVe siècle, ainsi qu’à Saint-Maximin un siècle plus tard. La hiérarchie des bibliothèques personnelles des clercs reproduit celle de l’Église elle-même. La plus grande du Midi, plus institutionnelle qu’individuelle au reste, est celle des papes d’Avignon ; les laïcs possèdent des livres de dévotion ; les cartulaires des communautés méridionales présentent des extraits des Évangiles qui en font des livres « juratoires ». Ces quelques notations n’épuisent pas l’ampleur des thèmes abordés dans le Cahier 31, Livres et bibliothèques (XIIIe-XVe siècle). Il offre un premier bilan dans un domaine jusque-là mal connu pour le Midi, celui du monde complexe du livre médiéval et il porte témoignage sur l’évolution de la culture et de la spiritualité des chrétiens méridionaux.
La prédication se situe au cœur des problèmes religieux de la France méridionale aux XIIe et XIIIe siècles. Surgissent d’abord des prédicateurs spontanés, offrant à tous le Pain de la Parole divine. Cette prédication nouvelle s’organise dans la dissidence, notamment celle des bons hommes et celle des vaudois. L’Église réagit par l’intermédiaire des chanoines réguliers, mais bientôt l’affaire albigeoise souligne le danger de laisser à la dissidence la « parole horizontale », bien plus efficace que la prédication traditionnelle fondée, quant à elle, sur l’accumulation des autorités et un apparat de gloire. Saint Dominique et son évêque, Diègue d’Osma, instaurent alors au sein de l’institution ecclésiastique de porter témoignage sur la grandeur de Dieu par l’humilité de ses serviteurs. Le IVe concile du Latran, puis les statuts synodaux enjoignent que les desservants des paroisses mettent en œuvre une prédication élémentaire. Toutefois, les lacunes du clergé paroissial incitent le même concile à faire assister ce dernier par des prédicateurs spécialisés. Dans cette perspective, Honorius III confirme l’ordre des Prêcheurs en janvier 1217. Le Midi languedocien a donc joué un grand rôle dans le tournant pastoral de l’Église. Après 1230, il entre dans l’âge classique de la nouvelle prédication ; celle-ci cesse d’être polémique pour devenir totalement positive ; elle a pour but de conformer la pratique des fidèles à l’Évangile. La prédication dans les régions méridionales au Moyen Âge, cependant, n’a pas donné lieu aux examens approfondis qu’elle a suscités ailleurs. C’est pourquoi une session de Fanjeaux a tenté de dénouer ce paradoxe. Artes praedicandi, recueils de sermons, modalités de la prédication, horizons de réception, monde des prédicateurs, effets de leur parole ont été analysés. Ces études forment la matière du Cahier 32 (1997).
Au-delà des cadres de la foi et de la doctrine, il existe dans la vie religieuse des données contingentes qui varient en fonction du temps, de la société et des impératifs de la pastorale. Les attitudes face à la mort et les représentations de l’au-delà ont subi le poids du présent où elles se sont élaborées. L’ère de la « mort apprivoisée » se clôt pour une bonne part à la fin du XIIIe siècle. L’évolution du rapport des hommes à la mort et à l’au-delà permet aux clercs, longtemps marginalisés en ce domaine, d’investir le rituel des derniers instants et des funérailles ; il leur permet aussi de construire une pédagogie du salut qui informe toute la vie des chrétiens, dans la perspective des fins dernières. La figuration répétée des enfers dans les églises de campagne en atteste. Dans le Midi, le culte des âmes du Purgatoire, qui restaure à l’intention des défunts une prière vraiment ecclésiale, se développe plus tôt qu’ailleurs. La France méridionale, entre Rodez, Toulouse et la Catalogne, apparaît comme l’aire territoriale où le Purgatoire a connu son plus grand succès aux derniers siècles du Moyen Âge , alors que la France septentrionale lui est demeurée longtemps indifférente . Benoît XII s’efforce de fixer la doctrine et de lutter contre les prolongements de la religion des bons hommes (qui soutient que tout est joué au moment du trépas et que l’Église n’a pas le pouvoir d’intercéder pour les morts) et contre certaines croyances populaires (bien illustrées par le cas de l’armier de Pamiers, Arnaud Gélis). La rencontre entre les initiatives de l’institution et la demande des fidèles favorise sans doute l’essor relativement précoce du culte des âmes du Purgatoire dans le Midi. Dans le Cahier 33 (1998), le problème des lieux et des modes de sépulture fait l’objet d’une étude archéologique attentive. L’analyse des Vies de saints et des procès de canonisation montre comment ils proposent un modèle de la « bonne mort », que les statuts synodaux cherchent à faire passer dans la pratique générale. Dans l’ensemble, à partir du XIIIe siècle, la commémoration individuelle des défunts l’emporte sur leur mémoire collective, tandis que le rôle médiateur de l’Église entre ici-bas et l’au-delà s’affirme partout. L’élection de sépulture génère des conflits entre les communautés de Mendiants, très sollicitées, et le clergé paroissial ; cependant, les séculiers l’emportent de beaucoup pour les demandes de messes et les sépultures. L’avenir dans l’Église appartient à la paroisse. Les princes illustrent leur puissance et la confortent par le théâtre de leurs tombeaux, ainsi pour la Maison d’Anjou. À leur niveau, les consuls des villes méridionales prennent en charge le salut de leurs concitoyens, en gérant le bassin et les confréries du Purgatoire, dont ils ont favorisé la mise en place. Cette imbrication du politique et du religieux atteste le plein succès du culte du Purgatoire. Le Cahier 33 met ainsi en parfaite évidence la dynamique conquérante, à travers le Moyen Âge, de l’Église et de la christianisation, dans les territoires essentiels du sentiment religieux et de la foi que sont la mort et l’au-delà.
Au fil du temps, les intitulés des colloques et des Cahiers ont épisodiquement fait référence aux Pays d’oc ou bien au Midi . La dilatation des champs géographique et chronologique des rencontres de Fanjeaux a été entérinée lors de la parution du trente-troisième Cahier, publié en 1998. Il était consacré à La mort et l’au-delà en France méridionale (XIIe-XVe siècle) et, simultanément, le sous-titre conféré à la collection indiquait que désormais celle-ci portait sur tout le Moyen Âge. La France méridionale apparaît ensuite dans les titres des Cahiers 36, 37 et 38 ; le Midi dans ceux des Cahiers 39, 41, 42, et 43. Le sous-titre devenu « Collection d’histoire religieuse du Languedoc au Moyen Âge » a muté logiquement en 2008-2009, devenant « Collection d’histoire religieuse du Midi de la France au Moyen Âge » ; pour des raisons administratives, il a pris la forme, en 2009, de « Publication annuelle d’histoire religieuse du Midi de la France au Moyen Âge ». L’espace auquel s’appliquent les Cahiers de Fanjeaux correspond désormais à la France de langue d’oc au Moyen Âge. Sans entrer dans des controverses d’érudition ou d’ordre politique sur l’aire de l’Occitanie, on peut définir cet espace comme celui qui s’étend au sud d’une ligne courant de Saintes à Limoges et Clermont-Ferrand, puis qui s’infléchit ensuite vers Valence et Briançon.
Le mot « évangélisme » n’apparaît qu’au début du XIXe siècle, mais l’Évangile a toujours été la référence essentielle des chrétiens. Il a donc paru nécessaire qu’une session de Fanjeaux fût consacrée, d’une part à la tradition et à la réception des Évangiles, d’autre part du passage de ceux-ci à l’évangélisme, c’est-à-dire à la prédication et à l’adoption d’une vie conforme à l’Évangile. Suivre le Christ c’est se faire apôtre, c’est retrouver la forme de l’Église primitive. Le fait s’inscrit dans les consciences à partir de la Réforme « grégorienne », sans aucun doute la « révolution culturelle » fondamentale du Moyen Âge. À partir d’elle se multiplient divers mouvements, évangéliques en leur principe, mais très variés. Les uns s’agrègent à l’orthodoxie qu’ils renouvellent ; d’autres alimentent l’hétérodoxie. Le Midi est terre d’affrontement de ces familles qui se revendiquent de l’Évangile. Il en naît un ordre apostolique, celui des Prêcheurs. Le Cahier 34 s’attache à définir ce qu’on entend par Évangile aux XIIe et XIIIe siècles et pose la question des formes et des moyens par lesquels il est donné à voir et à entendre ; il souligne comment avant saint François, la sequela Christi ne se confond pas avec l’imitatio Christi ; il montre la contestation qui naît du lien associant la veritas evangelica et la paupertas evangelica ; au cœur du problème de l’évangélisme se trouve ainsi posé celui des dissidences, celle des bons hommes comme celle des vaudois, et de leur interprétation de l’Évangile. En réponse au défi des uns et des autres, saint Dominique conjugue le témoignage de la vie avec celui de la prédication. Dans le respect du magistère, il assume l’Évangile en totalité, adoptant la forme de vie des apôtres pour porter la Parole de Dieu. Il semble bien que les Mendiants, par l’exemplarité de leur vie, par un apostolat de proximité, par une parole d’échange construite et persuasive, ont réussi à ramener dans l’Église les brebis un temps égarées sur les chemins d’un évangélisme hétérodoxe.
L’histoire religieuse entretient par nature des liens étroits avec l’histoire culturelle. Il a semblé intéressant d’examiner la façon dont l’Église méridionale s’inscrit dans les grandes mutations culturelles qui surviennent au cours des trois cents ans allant du succès de la réforme ecclésiastique du XIe siècle à la fin de la papauté d’Avignon. Ce fut le propos du Cahier 35, Église et culture en France méridionale (XIIe-XVe siècle), édité en 2000. Fondé sur l’Écriture, le christianisme implique l’essor d’une culture savante et la formation intellectuelle des ministres du culte. Au XIIe siècle, les écoles monastiques, qui tenaient jusque-là le premier rang, cèdent cette position aux écoles cathédrales, mais on sait peu de choses sur celles du Midi. La région ne paraît pas non plus participer à l’approfondissement de la théologie par l’usage de la logique comme discipline critique. Ce vide culturel favorise à coup sûr l’extension de la dissidence religieuse, d’autant que la laïcisation du savoir élémentaire (lecture, écriture) entraîne la formation de communautés multiples dont chacune interprète la Bible à sa façon.
Au XIIe siècle, les nécessités de la vie sociale entraînent la diversification du savoir et l’essor du droit. Rapidement, « les lois » cohabitent avec « le décret ». On compte bon nombre de médecins et de jurisperiti parmi les clercs provençaux. Les études de droit et de médecine semblent le moyen de faire une belle carrière ecclésiastique dans une société où la spéculation théologique paraît absente. La fin de la Croisade se marque, logiquement, par la création à Toulouse d’une université pour former des prédicateurs efficaces et des controversistes capables de répondre aux dissidents. En parallèle, les Mendiants mettent en place un réseau efficace de studia, modèles des collèges qui se multiplient à partir de la fin du XIIIe siècle. À ce moment, l’université de Toulouse achève de se structurer, comme celle de Montpellier et le retard culturel du Midi sur ce point se trouve résorbé. La région compte alors des juristes d’importance, les doctores tholosani, et un théologien remarquable, le franciscain Pierre Déjean-Olieu, malheureusement emblème et caution d’une dissidence, celle des Spirituels, de sorte qu’une suite de condamnations occulte sa pensée. Le fait marque qu’il ne peut exister une réelle autonomie du savoir par rapport à l’Église. Au demeurant, la plupart des maîtres et des étudiants sont des clercs ; le savoir acquis à l’Université garantit d’ailleurs l’accession aux offices et aux bénéfices. La formation et le niveau de culture de l’élite cléricale est assez bien connu, on manque en revanche d’informations sur celui des desservants de paroisse. On s’interroge sur le degré de culture chrétienne des fidèles et l’éradication de la vieille culture païenne. On a peut-être trop insisté sur le paganisme latent des habitants de Montaillou ; il semblerait aussi juste de s’étonner de la foi chrétienne dont ils font preuve. Le phénomène le plus évident au XIVe siècle dans le Midi réside dans les convergences de la foi et de la pratique religieuse entre les divers milieux. Un état commun de la croyance existe et la culture chrétienne constitue clairement le ciment unitaire de la société. Cette unité a sans doute sa part dans le rejet des autres religions, celle des Musulmans et celle des Juifs, mais l’intolérance qui s’installe au XIVe siècle possède également des racines politiques.
La littérature courtoise exprime bien le continuum culturel chrétien instauré dans la société méridionale. Sauf exceptions, le combat du corps et du cœur aboutit chez les troubadours à la subordination du charnel au spirituel ; de même l’amour porté à l’objet vénéré, l’ascèse qu’il implique, sont proches de l’amour porté à Dieu. Tout cela témoigne de la dominance du modèle chrétien dans les idéaux aristocratiques. Il existe du reste une interpénétration profonde entre le monde des cours seigneuriales et celui de l’Église. Des indicateurs multiples montrent qu’en pays d’oc, l’Église reste un cadre privilégié d’élaboration et de transmission du savoir et joue même un rôle matriciel dans la définition de la culture des laïcs. Cela, parce que le christianisme constitue le facteur déterminant de l’homogénéité de la société médiévale, dans le Midi comme dans tout l’Occident.
Au cours des trente-cinq premiers colloques, l’ordre des Prêcheurs a souvent été évoqué ; un bon témoignage en réside dans le Cahier hors-série, publié en 1998, qui réunit les contributions données par le P. Vicaire en ces réunions dont il fut le maître d’œuvre jusqu’en 1993. Toutefois, aucune session ne lui a été réservée de manière exclusive. Il a donc paru nécessaire de consacrer une rencontre à l’ordre de saint Dominique, auquel Fanjeaux doit sa renommée planétaire. Cela d’autant que l’histoire, on en a désormais conscience, est une construction permanente. Revenir sur celle des Prêcheurs a offert l’occasion de la nuancer et de l’enrichir. En un seul colloque, il n’était pas possible d’évoquer la contribution multiforme de l’ordre des Prêcheurs à la vie religieuse du Midi médiéval : prédication, élaboration doctrinale, études, enseignement, productions écrites, activités missionnaires hors la chrétienté, investissement de la hiérarchie ecclésiastique, service de la Curie et combat contre l’hérésie. Des monographies conventuelles ont permis d’approcher la vie courante des religieux : quêtes, études, prédication, confession, participation aux funérailles, accueil de sépultures. Elles éclairent aussi leurs rapports avec la société locale, mis en lumière par les problèmes et les étapes de leur implantation. L’étude et l’enseignement sont au cœur de la vie des Prêcheurs, pour servir à la prédication. La vie conventuelle s’organise donc en fonction des études, car la mission de l’ordre est de poursuivre par la parole l’œuvre du Christ et l’officium praedicationis lui confère, à côté des évêques, sa raison d’être dans l’Église et son statut d’exception. Le Cahier 36 s’efforce également de retrouver les religieux et les personnes derrière l’ordre ; l’entreprise s’avère ardue, tant les identités particulières se fondent dans la communauté, mais il apparaît bien que l’agrégation à la fraternité de l’ordre, par l’intermédiaire d’une fraternité conventuelle, localement enracinée, constitue pour chacun un passage fondamental.
La mémoire dominicaine constitue un autre centre d’intérêt du Cahier 36. Elle a fait l’objet de remaniements et d’inflexions précoces et se compose de strates superposées. L’inquisition a joué un rôle central dans la construction de l’image que les Prêcheurs se sont longtemps donnée d’eux-mêmes. Au temps de la querelle des réguliers et des séculiers, qui a pesé lourd à bien des égards, l’histoire de l’ordre subit des changements de perspective. L’ordre se présente comme fondé pour lutter contre l’hérésie ; l’apologie du Saint-Office entraîne Bernard Gui à présenter saint Dominique comme le premier des inquisiteurs. Cette image se maintient encore dans la seconde moitié du XVIIe siècle, en relation avec les combats religieux de l’époque. Parallèlement, Prouilhe et Fanjeaux deviennent des lieux-saints, où l’ordre commémore à la fois son fondateur et ses propres origines. La mémoire de l’ordre repose également sur une tradition iconographique, illustrée en particulier par le monument édifié dans l’église conventuelle de Bologne ; plus que saint Dominique, ce dernier exalte l’ordre, montrant qu’il forme un seul corps, identifié à l’idée de mission chrétienne. Comme les précédents, le Cahier 36 a répondu à des questions, ouvert des voies, posé des problèmes. Il a contribué à élargir l’histoire des Prêcheurs dans le site même où saint Dominique a médité la fondation de leur ordre et fait l’expérience d’une annonce de l’Évangile radicalement neuve.
Le pouvoir des clercs, sous ses différentes formes, suscite entre 1150 et 1320 des manifestations d’hostilité diverses, que l’on peut ranger sous le terme d’anticléricalisme, bien que ce dernier, anachronique, soit ignoré du Moyen Âge. Le Cahier 38 tente d’en dresser le répertoire, les modalités et les conséquences. On constate que l’anticléricalisme apparaît avec force au moment où s’achève la réforme « grégorienne », vers 1120/1140. Cette réforme a pris appui sur la référence à la vita apostolica, exaltant le propos de vie évangélique. C’est au nom de cette dernière que s’effectue la critique du pouvoir matériel, mais aussi du pouvoir spirituel des clercs. Une question fondamentale pour l’histoire religieuse du Midi médiéval est de savoir si le rejet du pouvoir clérical se transforme en contestation ecclésiologique et théologique, engendrant ainsi l’hérésie.
Du point de vue de l’anticléricalisme, le XIIIe siècle est aussi complexe que celui qui l’a précédé. D’une part, les ordres mendiants viennent rétablir l’équilibre entre l’Église et la société ; d’autre part, la croisade et l’inquisition font naître par leurs conséquences un nouvel anticléricalisme. Un gibelinisme politique est particulièrement sensible en Provence au temps de Frédéric II. L’inquisition, qui anéantit les franchises des villes, suscite quant à elle des révoltes urbaines dans le Languedoc occidental, lors de son instauration et encore à la fin du XIIIe siècle. Les Mendiants, dès qu’ils multiplient leurs couvents entrent souvent en conflit avec les séculiers et avec les pouvoirs locaux. Et la question demeure ouverte dans l’Église de la pauvreté et du pouvoir, les Spirituels franciscains allant jusqu’à soutenir que le pape ne peut avoir raison contre l’Évangile. On retrouve en l’occurrence le balancement entre Église institutionnalisée et Église spirituelle qui marque les débuts et les prolongements de la réforme grégorienne. Dans cette rupture intérieure s’exprime le souci d’un dépassement de l’institution vers plus de perfection, plus d’Évangile. C’est l’expression d’une oscillation permanente entre la nécessité d’encadrer le peuple chrétien et la pauvreté évangélique, entre l’affirmation du pouvoir institutionnel et le choix du dénuement apostolique.
Le Grand Schisme (1378-1417) a divisé la chrétienté occidentale durant près de quarante années. Cette fracture est généralement considérée dans sa globalité, du point de vue du gouvernement de l’Église ou des actions entreprises pour restaurer l’unité. Il a paru utile de renverser la perspective et d’étudier le Schisme à partir du Midi, afin de d’en définir les formes et les conséquences dans la région. Comment a-t-il été reçu et vécu par les méridionaux, clercs ou laïcs ? A-t-il suscité des inflexions de la pratique religieuse et de la dévotion ? Une autre question est de savoir si le Midi conserve dans l’obédience de Clément VII le poids relatif qu’il possédait dans l’Église au temps de la papauté d’Avignon. Un autre problème est de connaître la répartition exacte des obédiences ; la carte s’avère compliquée, en raison des rivalités des princes, des seigneurs et des clercs ; la situation devient encore plus complexe avec les soustractions et les restitutions d’obédience. Des factions se forment dans les chapitres et les communautés. Les grands ordres aussi se scindent, en général selon l’implantation géographique de leurs maisons.
Ces perturbations de tous ordres portent les docteurs à réfléchir de manière approfondie sur les structures de l’Église institutionnelle et leur rapport à l’Église mystique. En ce domaine, l’Université de Toulouse affirme avec force son indépendance et son originalité, sa fidélité aux principes également. En 1398, ses représentants à Paris se prononcent contre la soustraction d’obédience, puis au cours de celle-ci est élaborée l’Epistola tholosana. Ce manifeste rejette la doctrine conciliaire et aussi l’idée que l’autorité du prince l’emporte sur celle du pape. Mieux : elle accuse l’Université de Paris, le conseil du roi dans sa majorité et Charles VI lui-même de désobéissance envers le pape et l’Église, ce qui les rend schismatiques et hérétiques.
Lassitude devant les situations inextricables gênant la dévolution et la possession des bénéfices et volonté spirituelle de réduire le Schisme, hormis une poignée de partisans de Benoît XIII cantonnés dans le domaine des Armagnac en Rouergue, le Midi après le concile de Pise se rallie au mouvement unioniste. Crise de l’institution ecclésiastique, le Schisme n’entraîne nullement une crise de la foi. D’une part, on ne discerne aucune trace des hérésies anciennes ; d’autre part, les témoignages de la ferveur religieuse sont innombrables. Les prédicateurs, tel Vincent Ferrier, soulèvent les foules ; les pèlerinages conservent leur attrait ; le culte des saints connaît ses plus vives manifestations ; les confréries montrent une vitalité soutenue. Magnifique image, qui traduit à la fois les conceptions des docteurs et la vigueur de la dévotion populaire, la Vierge au manteau est l’icône de l’Église qui rassemble tous les chrétiens dans son unité ; elle exprime aussi la piété des humbles qui la vénèrent comme une mère universelle, intercédant pour tous et pour chacun. Le Cahier 39 regroupe un ensemble de contributions qui éclaire d’un jour neuf et précis l’état religieux de la France méridionale au temps du Schisme.
La quatrième décennie des colloques s’est close par une attention particulière à la population rurale, masse des fidèles, en général oubliée des études. Le Cahier 40, issu de ce colloque s’intitule L’Église au village. Lieux, formes et enjeux des pratiques religieuses. Il élargit considérablement les vues exposées dans les Cahiers antérieurs consacrés à la religion populaire et à la paroisse. Il intègre en effet les acquis de l’archéologie et de l’histoire sociale. Il précise le processus de formation des villages et des bourgs et la place que l’église y trouve. Les contributions du Cahier confrontent le village des archéologues et celui des historiens et reflète les chantiers ouverts : définir l’espace religieux villageois, qui ne se confond pas obligatoirement avec la paroisse ; savoir si la sociabilité de voisinage influence les pratiques religieuses au village ; déterminer si, du point de vue de la religion, le village constitue un espace clos ou bien se trouve ouvert au monde environnant. L’église commande le regroupement de l’habitat dans les celleres et sagreres catalanes et sans doute ailleurs, mais elle peut aussi être étrangère à la constitution des castra et venir se fixer tardivement à l’intérieur de ces derniers. La diversité des cas est de règle, mais tôt ou tard, l’église est un des éléments fondamentaux de la polarisation de l’espace, ce qui souligne la coextensivité de la religion et de la société au Moyen Âge. Le clergé rural remplit l’essentiel de ses obligations, car les registres inquisitoriaux montrent que les fidèles, à la fin du XIIIe siècle, ont intériorisé les données fondamentales du dogme et de la discipline chrétienne. Au village, les conflits religieux s’inscrivent dans la sociabilité de voisinage et ils en participent. La dissidence, par exemple, accentue des clivages antérieurs, et met en jeu des rivalités de réseaux. Le monde villageois n’est en aucun cas un univers clos sur lui-même. Ce qui se vérifie sur le plan économique se manifeste également dans le domaine religieux. Les chapitres urbains opèrent souvent sur les paroisses rurales des prélèvements qui comportent parfois des retours, ainsi l’édification ou la restauration des églises paroissiales. Les bons hommes circulent de village en village et les Mendiants trouvent dans les campagnes des terrains de prédication et de quête. Le Cahier 40 (2006) offre bien des voies pour approcher les phénomènes religieux dans le cadre du village et de l’identité villageoise.
La quatrième décennie des Cahiers a été marquée par un profond renouvellement des collaborateurs. Bien des anciens ont donné des communications, mais il est remarquable que de très nombreux jeunes historiens ont contribué à l’enrichissement des volumes, ce qui témoigne du large essor de la recherche et d’un important vivier de chercheurs. Parmi eux, Sophie Peralba, Nathalie Hurel, Isabelle Rava-Cordier, Jean-Arnault Dérens, Stéphanie Martinaud, Charles Peytavie, Claire Goiran, Agnès Dubreil-Arcin, Cécile Voyer, Yveline Prouvost, Étienne Anheim, Martin Morard, Géraldine Paloc, Laurent Albaret, Myriam Soria, Jean Mercier, Florian Mazel, Damien Carraz, Julien Théry, Sonia Comte, Hugues Labarthe, Fabrice Ryckebusch, Sophie Vallery-Radot, Nicole Pons, Damien Ruiz, Danielle Laurendeau, Marie-Laure Jalabert, Clément Lenoble et Philippe Genequand. À leurs côtés, les colloques ont accueilli des historiens plus chevronnés, venus de l’étranger : Susan Blackman, Josep Moran, Beverly Kienzle, Carolyn Muessig, Mgr Victor Saxer, le P. Simon Tugwell, Olga Weijers, et Michel Hébert, ou bien venus de France : ainsi, Donatella Nebbiai-Dalla Guarda, Marie-Henriette Jullien de Pommerol, Matthieu Desachy, Dominique de Courcelles, Christian de Mérindol, Nelly Pousthomis-Dalle, Nicole Bériou, Marie-Anne Polo de Beaulieu, Huguette Taviani-Carozzi, Louis Stouff, Gérard Nahon, Jean-Claude Hélas, Géraldine Mallet, Michelle Fournié, Valérie Galent-Fasseur, Jean-Yves Tilliette, Michel Lauwers, Guy Lobrichon, Jacques Dalarun, Michel Hayez, Claudie Amado, Geneviève Brunel-Lobrichon, Paul Mironneau, Patrick Gautier-Dalché, Régis Rech, Georges Passerat, Daniel Russo, Anne Reltgen-Tallon, Jean-François Goudesenne, Catherine Vincent, Denise Péricard-Méa, Pierre-Gilles Girault, Anne-Lise Rey-Courtel, Henri Bresc, Aymat Catafau, Florent Hautefeuille et Benoît Brouns. Une telle énumération montre que la plupart des spécialistes de l’histoire religieuse ont investi une part de leur savoir dans les Cahiers de Fanjeaux.
En parallèle, les colloques et les Cahiers ont bénéficié du patronage de l’Université de Montpellier III, à partir de 1997. La composition du Comité s’est modifiée. Le dernier de ses membres fondateurs, Philippe Wolff, a disparu en 2001. La même année a démissionné Jean-Louis Gazzaniga qui en faisait partie depuis 1995. Ce départ a été compensé par la cooptation de Georges Passerat, en 1996, de Jacques Verger, en 2000, de Jacques Krynen en 2001, d’Agnès Dubreil-Arcin et de Fabrice Ryckebusch en 2003, puis de Julien Théry en 2005.